Appellé aussi Loup sur la Méditerranée.
Le bar (Dicentrarchus labrax, Linné) n'est pas très éloigné du sandre ou de la perche de nos eaux douces.
Il a même été surnommé "perche de mer". On le range parfois dans la famille des Percichthyidae, mais le plus souvent dans celle des serranidés, toutes les deux appartenant au groupe des perciformes avec les Percidae et quelques autres familles voisines.
Le bar possède deux nageoires dorsales séparées. La première avec des rayons tous épineux, la seconde dotée d'un premier rayon épineux, les autres étant mous.
L'opercule est armé de deux épines sur le côté, tournées vers l'arrière; sur le bas, il est dentelé. L'opercule présente une tache sombre sur le bord supérieur.
La couleur de ce magnifique chasseur de nos côtes va du gris sombre au vert olive sur le dos, alors que le ventre est blanc brillant: la tonalité d'ensemble est gris clair et argenté.
Les femelles de bar ont un museau plus pointu et une silhouette plus haute, plus trapue. Les mâles paraissent plus élancés. Certains présentent un front bombé.
Attention à ne pas confondre ce "loup-bar", le bar commun, avec deux autres espèces:
Le maigre, ou courbine (Argyrosomus regius): ses nageoires dorsales ne sont pratiquement pas séparées, la seconde possède 24 à 26 rayons au lieu de 12 à 14 chez le bar. L'opercule n'a pas d'épines.
Le bar moucheté (Dicentrarchus punctatus), comme son nom l'indique, est parsemé de mouchetures, de petites taches sur le dos et les flancs. Au contraire, son opercule n'en possède pas, et n'a pas non plus de grosse tache comme celui du bar commun, ni d'épines.
Les jeunes bars communs (jusqu'à la taille de 10 centimètres environ) ont souvent eux aussi des taches sur le corps, qu'ils perdent en prenant de l'âge.
Mer du Nord, Manche, Atlantique, Méditerranée, le bar rôde sur toutes nos côtes. On le pêche sur tout le littoral méditerranéen. Dans l'Atlantique, il se prend depuis le Maroc jusqu' en Norvège.
Il vit en effet dans une très grande plage de température, capable de survivre dans des eaux froides jusqu'à 2° et chaudes jusqu'à 32°.
Mais il ne se nourrit pas en dessous de 7°, et sa croissance est arrêtée en dessous de 10°. Sa température préférentielle est comprise entre 15 et 25°: un très large éventail. La croissance paraît la meilleure à 22°.
Avec son corps fusiforme et sa tête assez grande fendue d'une large bouche, ses deux nageoires dorsales dont la première est tendue de rayons épineux, le bar offre une silhouette qui permet de l'identifier facilement.
De même, le bar supporte fort bien des eaux plus ou moins salées: de 0,5% à 40% (la salinité de la mer est de 35%.). Il vit donc en eau douce par moments, remontant dans les lagunes et dans le cours inférieur des fleuves (lagunes saumâtres de Méditerranée, canaux du Midi...).
Au chalut, on prend habituellement les bars jusqu'à 40 à 50 mètres de profondeur, exceptionnellement jusqu'à 90 mètres.
Si on le pêche autant parmi les rochers que sur les fonds sableux, notre bar n'aime guère les fonds vaseux. Il apprécie beaucoup les eaux très agitées: vagues, houles, courants. D'ailleurs, il se nourrit intensément en période de tempête. Mais il aime aussi le calme des étangs littoraux.
Sa force, sa résistance, la qualité de sa chair, en font la cible favorite des amateurs de pêche au surf-casting: le bar se tient souvent à l'affût de ses proies dans les rouleaux déferlant sur les plages...
Les deux sexes sont séparés, contrairement à beaucoup d'espèces assez proches qui sont hermaphrodites: chaque bar est femelle ou mâle, pas les deux.
Les loups méditerranéens sont matures sexuellement plus tôt que les bars de l'Atlantique. En Méditerranée toujours, les mâles sont matures à 2 ou 3 ans d'âge, à la taille de 23 à 30 cm; les femelles le sont à l'âge de 3 à 5 ans, pour une taille de 31 à 40 cm.
Dans l'Atlantique, les mâles commencent à se reproduire à l'âge de 4 à 7 ans seulement, à la taille de 32 à 37 cm (taille plus forte qu'en Méditerranée); tandis que les femelles le sont à l'âge de 5 à 8 ans, mesurant alors 33 à 42 cm.
La fraie a lieu en hiver pour la Méditerranée: de décembre à la fin mars, avec un maximum en janvier. Elle se déroule plus tardivement (souvent dans les zones où l'on trouve des moules) dans l'Atlantique, en avril par exemple en Bretagne.
Juste avant la ponte, le ventre de la femelle gonfle fortement. Les mâles se placent un peu en arrière d'elle et juste en dessous, la suivant de près au cours de ses lents déplacements. Un, deux, rarement trois par femelle. Celle-ci pond ses œufs (200 000 par kilo de son poids) en une seule fois, en cinq à dix minutes.
Les lieux de ponte sont souvent des anfractuosités dans les rochers, à moins de 10 mètres de profondeur. Les œufs, minuscules (un millimètre de diamètre !), remontent flotter vers la surface dans les eaux marines.
Ils se développent très vite, l'éclosion ayant lieu au bout de quatre à sept jours. La larve, 3,5 mm de long, d'abord passive, se met à nager par intermittence, d'abord le ventre en l'air ! Elle se retournera après avoir épuisé ses réserves de vitellus et achevé son développement embryonnaire.
A la taille de 3 centimètres, les alevins revêtent les écailles de l'adulte et en prennent la silhouette. Ils savent aussi se réfugier sur le fond: dès la taille de 4 centimètres, ils s'enfoncent dans le sable pour s'y dissimuler, restant enfouis sur le côté pendant une demie minute ou une minute entière, recrachant le sable à leur sortie. L'adulte garde ce comportement en cas de danger.
Il est ainsi capable d'esquiver le filet en s'enfonçant dans le sable ! En zone rocheuse, il évite aussi le filet en se réfugiant dans les anfractuosités du rocher. Sans doute est-ce une des raisons qui faisaient dire au grec Aristophane, 400 avant J.C., que le bar était le plus rusé des poissons... ce que ne contrediront pas les pêcheurs !
Les juvéniles mangent surtout de petits crustacés du plancton ou vivant sur le fond et, en moindre proportion, de petits poissons comme les athérines ou les gables.
A partir de 20 centimètres, on trouve aussi beaucoup de crevettes dans l'estomac des bars, ainsi que des crabes, surtout à l'époque de la mue.
Les plus gros individus prennent des crustacés (crabes, crevettes), des poissons de pleine eau (sardines, anchois...), des mollusques (calmars), ou encore des poissons du fond (lançons, gobies...). Les bars dépassant 50 centimètres de longueur prennent moins de proies, mais plus grosses.
La vitesse de croissance dépend de la température: elle est plus forte dans les eaux plus chaudes. Mais elle dépend aussi du sexe: les femelles grandissent plus vite que les mâles. La croissance se ralentit à la maturité sexuelle, quand le poisson se met à produire les œufs ou la laitance.
Les loups adultes, de grande taille, ont assez peu de compétiteurs sur nos côtes en règle générale. Par contre, ils peuvent être la proie de poissons encore plus gros qu'eux, tels que les requins.
Lorsque les bars sont en groupe, ils chassent dans les bancs de poissons de pleine eau tels que sardines ou anchois. Un premier bar fonce dans le banc, qui s'éparpille en s'éclatant autour du carnassier.
Mais les autres bars sont partis avec un léger temps de retard: si bien que l'écart latéral des petits poissons pour fuir le premier les a placés face à la gueule des suivants qui surviennent au bon moment.
Le bar se repère alors, non pas au vu de la silhouette du poisson chassé, mais en visant l'éclat argenté des opercules. Il prend sa proie par l'arrière ou le côté, la maintient quelques instants dans cette position, puis la retourne pour l'avaler, tête la première, en écartant les opercules et en s'agitant par saccades.
Le loup chasse aussi en solitaire, surtout dans les eaux agitées. Il aime à se tenir dans un remous face au courant: sans peine, il prospecte un important volume d'eau et peut surprendre les poissons qui filent avec le courant.
Il se tient aussi à l'affût parmi les roches près du fond ou parmi les algues: par exemple à quelques mètres sous la surface dans les zones rocheuses au pied de falaises, ou bien près des touffes de végétation qui lui font de l'ombre dans les zones sableuses .
D'autres fois, il chasse en rôdeur. Et il pratique le surf-casting à sa manière: à l'affût parmi les gros rouleaux à l'entrée des plages, il guette les proies que lui apportent les vagues.
Le bar peut chasser à toute heure du jour et de la nuit. Son alimentation ne s'arrête pas pendant la période de reproduction. Et, comme tout carnassier, il ne chasse pas continuellement puisque, si l'on examine les bars pêchés, une partie a l'estomac vide.
Le bar est sensible aux sons. Si l'on jette un petit caillou, ou qu'un plongeur fait un bruit (émission de bulles, choc, grattage sur le fond...), les bars s'approchent vers le point précis d'où émane le bruit, même quand la visibilité est faible; ils ne s'orientent pas en direction du plongeur qui a créé la perturbation, mais vers la source sonore—ce qui témoigne d'une grande précision pour localiser l'origine des sons.
Ces bruits sont perçus jusqu'à 15-20 mètres de distance. En revanche, les sons violents (travaux par exemple) font fuir le bar, sauf s'il s'y est habitué.
Le contenu de l'estomac des bars pêchés reflète la disponibilité des proies présentes dans le milieu. Lorsque les sardines ou les anchois sont abondants en mer, ils le deviennent aussi dans l'alimentation du bar. Mais il existe des exceptions: la crevette grise peut être la plus abondante, pourtant le bar préfère la crevette rose, le bouquet, qui est un appât bien plus attractif.
Le bar vit souvent en bancs. Les jeunes se trouvent même fréquemment avec les mulets ou les grisets. Les bancs de petits bars se trouvent dans les premiers mètres, souvent en vue du fond. Les plus gros se déplacent plus en profondeur.
Le banc se disperse à la nuit, les individus rejoignant le fond et se déplaçant peu à l'obscurité. Les poissons peuvent aussi s'éparpiller quand vient le moment de la chasse, par exemple si la mer est forte.
Sur le littoral méditerranéen, dans les lagunes, les loups commencent à se concentrer en novembre: ces "compagnes" (nom donné en Provence) sortent des étangs et vont en pleine mer pour la saison de reproduction. Fin février le déplacement inverse commence: c'est la "repasse".
Les loups se regroupent après le frai, et ils pénètrent dans les lagunes et les estuaires, où ils pourront profiter de la douceur de la température printanière et de la forte productivité du milieu. Dans l'étang de Thau, des loups adultes restent dans les trous les plus profonds pendant l'hiver. Même phénomène dans le bassin d'Arcachon.
Le bar supporte des désoxygénations si elles sont de courtes durée. Lorsque les eaux marines viennent à manquer d'oxygène (temps chaud et orageux, proliférations d'algues), le bar est l'un des premiers poissons à être affecté, venant en surface, comme endormi, après le bar tacheté.
Et certains pensent que s'il aime les vagues déferlantes le long des plages, ou les côtes rocheuses battues par les vagues, c'est parce qu'il y trouve l'oxygène en abondance. Mais d'autres font remarquer qu'il supporte la pollution, puisqu'il vit très bien aussi dans les ports, dont les eaux sont polluées et par moments désoxygénées.
Un roi traqué ! Le bar est tellement convoité par la pêche professionnelle que la ressource est menacée. C'est en effet un poisson fort apprécié et très recherché par le consommateur. Rien de nouveau en cela, puisqu'il est estimé depuis l'Antiquité, par les Grecs comme par les Romains: Aristote disait qu'il est le plus fin des poissons !
Mais ce qui a changé, ce sont les tonnages débarqués, résultant de techniques de pêche de plus en plus efficaces: pêche artisanale aux palangres (chaque ligne porte une centaine d'hameçons...) flottantes ou palangres de fond, pêche "semi-industrielle" au chalut ordinaire ou au chalut par deux ("en bœufs"), pêche à la sonne.
La taille des bars débarqués tend à diminuer, ce qui fait penser que la ressource est surexploitée... Faudra-t-il limiter la pêche ? A moins que l'aquaculture (la France produit chaque année environ 500 tonnes de bar) puisse à l'avenir faire diminuer la pression de pêche.
Quel âge peut atteindre un Bar? A Sète le plus gros loup examiné par un spécialiste, était âgé de 15-16 ans, pour une longueur de 92,5 cm et un poids de 11 kilos. Les loups ont rarement plus de six ans en Méditerranée, mais on a pris des records jusqu'à plus de 15 kilos, sûrement très âgés.
Les bars de l'Atlantique vivent plus longtemps: les biologistes de l'institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, en ont trouvé âgés de vingt ans. Sur les côtes d'Irlande, on a identifié des individus vieux de 24 ans (mais dont la taille faisait seulement 78 centimètres, car ils se situaient en limite nord de ce poisson).
Le bar le plus vieux, dont l'âge soit certain, est... un pensionnaire de l'aquarium d'Amsterdam: il avait 30 ans en 1963 !
La taille de capture légale, de 36 cm sur l'Atlantique, correspond à un âge de quatre ans pour la plupart des femelles, quatre ou cinq ans pour la plupart des mâles. En principe, à cette taille, presque tous les mâles sont matures, et une partie des femelles.
Et un bar de dix kilos la "bête" dont chacun de nous rêve !, quel âge ? En Méditerranée, on peut estimer qu'il doit avoir près d'une quinzaine d'années. Dans l'Atlantique, près de vingt ans.
Les grands loups, les gros bars, sont le plus souvent des femelles: parce qu'elles sont plus grosses que les mâles en moyenne... et parce qu'elles vivent plus longtemps !
Le bar moucheté, ou bar tacheté, reste plus petit et trapu que le bar commun, puisqu'il ne dépasse pas 60 centimètres de long. On le trouve plus au sud, depuis le Sénégal jusqu'au golfe de Gascogne (rarement jusqu'en Manche), et en Méditerranée. Espèce côtière, le bar moucheté se trouve sur les fonds sableux, sablo-vaseux, rocheux, en eau saumâtre. Ce prédateur se nourrit de crustacés, de mollusques et de poissons. Sa croissance est moins rapide que celle du bar: 10 cm à un an, 31 cm à quatre ans, 41 cm à sept ans en moyenne. Sa chair est excellente